Accorder un droit à l’erreur en entreprise a théoriquement de nombreux avantages. Comme l’ont montré de grandes entreprises innovantes – 3M, Google ou BlaBlaCar par exemple – ou des entreprises des secteurs à risque (nucléaire, aéronautique, médical, ….), le droit à l’erreur permet de :
✨Faciliter l’instauration d’un climat de confiance au sein d’un collectif
✨Favoriser la responsabilisation, le développement de l’autonomie et l’expérimentation de solutions nouvelles par des collaborateurs
✨Connaitre des erreurs commises sur le terrain alors qu’elles n’ont pas eu de conséquence et n’auraient pas été portées à la connaissance de l’encadrement sans cela
✨Améliorer en continu les process, les compétences et la connaissance de soi en s’appuyant sur l’analyse des erreurs.

Bien que ces avantages soient connus depuis longtemps, force est de constater que la culture du droit à l’erreur ne s’est pas généralisée en France. Plusieurs raisons culturelles et organisationnelles l’expliquent mais l’une d’elles me frappe : la persistance d’une incompréhension majeure.

Cette incompréhension consiste à croire qu’accorder un droit à l’erreur serait inconditionnel, ce qui conduirait à une forme de banalisation de l’erreur. En réalité, le droit à l’erreur repose sur plusieurs conditions qui évitent cet effet :

  1. L’ensemble des acteurs concernés doivent avoir compris et accepté la raison profonde du droit à l’erreur, à savoir que l’humain est faillible et ne peut agir continuellement sans faire d’erreur. C’est difficile à accepter car nous restons persuadés qu’en étant professionnel, rigoureux, compétent et concentré sur nos tâches, nous ne devrions pas faire d’erreur. Or, c’est faux, ne serait-ce que parce que nous sommes incapables de maintenir un haut degré de concentration longtemps. Mais c’est aussi faux parce que nous ne connaissons précisément ni nos limites, ni l’état exact de nos capacités d’action à chaque moment . Et nous croyons assez fréquemment être capable de faire quelque chose correctement alors que nous ne disposons pas de tous nos moyens pour cela.
  2. Le sens de l’expression « droit à l’erreur » doit être compris et partagé : il ne s’agit pas de dire, comme on l’entend parfois, que tout le monde a désormais le droit de faire des erreurs sans avoir de comptes à rendre ; certes, disposer d’un droit à l’erreur signifie que celui qui en commet une n’aura pas à craindre de sanction mais il y a une contrepartie : il devra contribuer le plus honnêtement possible à son analyse et collaborer pour trouver comment éviter qu’elle ne se reproduise.
  3. La notion d’erreur doit être clarifiée. Elle désigne un acte involontaire et non répétitif ayant des conséquences négatives. L’oubli d’une action critique, une erreur de calcul ou encore l’incompréhension d’une consigne constituent des exemples typiques d’erreur. Ainsi définie, l’erreur peut être distinguée d’un acte ou d’une décision qui est risqué et volontairement adopté par un salarié, en dépit de règles, procédures de travail ou normes de métier qu’il connait et sans être soumis à des contraintes particulières qui en empêcheraient l’application. Ce type d’acte ou de décision est considéré comme une violation délibérée et ne peut bénéficier d’une garantie d’absence de sanction, comme avec l’erreur.
  4. La décision de sanctionner un acte, qu’il soit involontaire ou volontaire, ne doit pas dépendre de ses conséquences. On entend souvent qu’une erreur qui provoque de graves dommages ne peut pas rester impunie. Certes, la justice fonctionne ainsi car elle doit identifier des responsabilités pour obtenir réparation des dommages causés. Mais la justice ne cherche pas à apprendre, s’améliorer et innover ! L’entreprise, si et c’est l’une des raisons pour laquelle elle peut se permettre de ne pas suivre la même logique. Une autre raison qui doit l’inciter à agir ainsi est que les conséquences d’une erreur sont non intentionnelles et se produisent, le plus souvent, parce que l’entreprise n’a pas prévu de boucles de rattrapage. D’une certaine façon, l’apparition de conséquences souligne l’existence de manques ou de défaillances dans la gestion des risques menée par l’entreprise.
  5. Enfin, le droit à l’erreur implique des obligations du côté de la direction : elle doit notamment s’engager à mettre les ressources nécessaires pour analyser les erreurs identifiées au sein de ses activités, définir des solutions qui évitent leur réapparition et s’assurer de leur mise en œuvre.

L’exercice du droit à l’erreur, lorsqu’il s’appuie sur ces conditions, n’est alors plus compris comme une mesure qui susciterait un sentiment d’impunité et encouragerait la déviance mais plutôt comme un dispositif d’apprentissage collectif, d’amélioration continue et d’innovation.

Cela dit, on comprend à la lecture de cet article qu’il ne suffit pas de clamer qu’un droit à l’erreur doit s’appliquer dans une entreprise pour qu’il devienne une réalité. S’il faut bien sûr prévoir de communiquer sur sa mise en place, le message ne prendra tout son sens qu’en prévoyant :

  1. une acculturation de l’ensemble des salariés,
  2. une formation FOH (Facteurs Organisationnels et Humains) et une formation à l’analyse d’événement pour doter certains acteurs des compétences nécessaires pour identifier des erreurs, les analyser en profondeur et rechercher des solutions pertinentes pour éviter leur réapparition,
  3. le respect des engagements qu’implique le droit à l’erreur au niveau de la direction, de l’encadrement et des salariés.

🔗 Si vous souhaitez des précisions sur ces moyens à prévoir, n’hésitez pas à me contacter. Et en attendant, ne vous culpabilisez pas à la prochaine erreur que vous ferez, vous êtes juste humain… Par contre, cherchez à en tirer des leçons !

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